Transport fluvial cherche bateliers désespérément

La filière du fluvial a le vent en poupe mais, faute de visibilité, peine à recruter la nouvelle « génération voie d‘eau », ont rappelé les intervenants d’une table-ronde lors du salon Riverdating 2022. Une table-ronde sur la formation, l’emploi et les tensions de recrutement à laquelle E2F participait.

Le secteur souffre d’une « tension extrême », a alerté Didier Leandri, président délégué général d’Entreprises fluviales de France (E2F), avec un besoin estimé entre 200 et 300 membres d’équipage par an, dans le transport de fret comme de passagers. « Nous avons du mal à recruter et cette pénurie va augmenter, notamment dans les métiers de pilotes », assure t-il. Une pyramide des âges défavorable avec une population vieillissante et l’impact de la crise sanitaire expliquent notamment cette pénurie. Car la filière souffre d’un « problème d’image et de visibilité de nos métiers qui sont très peu connus », a aussi constaté François Manouvrier, directeur du CFA de la Navigation intérieure.

Une situation paradoxale quand le fluvial poursuit dans l’Hexagone « une croissance dans le fret » et connaît « une reprise exceptionnelle » dans le tourisme, selon Didier Leandri. Ce dernier secteur a ainsi progressé de 25 % au cours des dix dernières années, avec 11 millions de passagers transportés sur les fleuves de l’Hexagone, dont 8 millions à Paris, le premier port fluvial mondial pour le tourisme, selon le Port de Paris.

Isabelle Maimbourg, directrice générale adjointe chez cet opérateur de compétences a rappelé les enjeux : la construction du canal Seine-Nord est « une opportunité mais aussi une ouverture plus grande à la concurrence internationale avec les flottes nord-européennes et entre les ports maritimes ». La cérémonie d’ouverture des JO 2024 « va aussi mettre en tension les recrutements à très court terme ».

Par ailleurs, la nouvelle réglementation européenne sur la qualification des membres d’équipage qui exige notamment un temps de navigation d’au moins 540 jours pour la qualification de capitaine, contre 100 jours actuellement « vient fortement complexifier le processus de recrutement même si, à terme, elle devrait être bénéfique », a noté François Manouvrier. « Elle va permettre l’augmentation des compétences et favoriser la mobilité des navigants ».

Restera à adapter les cursus actuels proposés par les lycées professionnels et les CFA avec ces nouvelles exigences.  Autre évolution constatée : « Si le cycle de renouvellement était jusque-là naturel », a rappelé Didier Leandri, « on ne recrute plus aujourd’hui uniquement les fils et les filles de bateliers. Le vivier se trouve désormais à l’extérieur du secteur et l’enjeu est d’attirer et de fidéliser ».

Pour Sogestran, travailler « au cœur de la transition énergétique » est un facteur d’attractivité important, selon le DRH Jean-Pierre Rous. Le groupe havrais fait ainsi naviguer un pousseur avec un carburant 100 % d’origine végétale ainsi que l’automoteur Zulu à hydrogène et développe la logistique urbaine fluviale qui « offre des rythmes d’embarquement attractifs ».

Il s’agit donc bien de renforcer la visibilité de la filière, mais aussi, Olivier Hannedouche, DRH chez VNF, de « créer des passerelles et de renforcer les complémentarités entre les métiers comme entre les entités publiques et privées ».

La Profession a engagé l’élaboration d’une stratégie en faveur de l’attractivité que Didier Leandri résume en 4 objectifs : faire connaître, attirer, former et fidéliser.