Feu vert à la future chatière dans le port du Havre
A l’issue de l’enquête publique relative au projet de la « Chatière » qui s’est achevée le 16 janvier dernier, la commission d’enquête, qui vient de remettre au préfet de Seine-Maritime son rapport, a émis un avis favorable assorti de quelques réserves. E2F s’en félicite.
La phase d’enquête publique engagée le 1er décembre dernier s’est achevée par la remise le 16 février 2023 au préfet de Seine-Maritime, Jean-Benoît Albertini, d’un rapport assorti d’un avis favorable au projet de création d’un accès fluvial direct aux terminaux à conteneurs du port du Havre. Désormais, il revient au préfet de prendre un arrêté autorisant la réalisation et l’exploitation du projet. Les autorisations de travaux, qui pourraient être délivrées dans la foulée, pourraient permettre une mise en service de l’infrastructure dès 2024.
En conclusion de son rapport, la commission d’enquête présidée par Alain Caru émet donc un avis favorable pour ce projet à l’étude depuis plus de dix ans maintenant, qui propose de créer un accès fluvial direct aux terminaux de Port 2000 pour l’ensemble de la flotte fluviale existante, automoteurs et convois poussés compris.
85 % des trafics du port du Havre évacués ou acheminés par la route
Pour rappel, l’enquête publique qui s’est déroulée du 1er décembre 2022 au 16 janvier 2023 portait sur la demande d’autorisation environnementale, au titre de la loi sur l’eau, en vue de la création d’un accès direct à Port 2000. Cet accès, dit « chatière », a été identifié par l’autorité portuaire comme le chainon manquant d’un nécessaire report modal au bénéfice du fluvial qui, à l’heure actuelle, ne représente que 10 % du trafic du port du Havre vers la région parisienne contre environ 85 % pour la route et à peine 5 % pour le fret ferroviaire.
La réalisation de cette infrastructure apparaît ainsi stratégique en termes de compétitivité pour le port du Havre, souligne le rapport, pour gagner des parts de marché sur le front des trafics conteneurisés. En effet, la massification du trafic que permet le fluvial comparé au mode routier serait un levier important pour atteindre les objectifs fixés tant par le gouvernement que par l’Union européenne en matière de diminution des émissions de CO₂ liées au transport de marchandises.
Trafic conteneur multiplié par 3
Une étude réalisée en 2017 par le bureau d’études Setec, mise à jour en 2022, montrait que le nombre actuel de conteneurs qui transitent par la Seine pouvait être multiplié par trois, rappelle la commission d’enquête. La réalisation de la Chatière pourrait, dès lors, avoir un effet significatif sur les leviers « coûts et délais d’acheminement fluvial » qui sont actuellement autant de freins au développement du mode fluvial.
Le dossier d’enquête publique fait état d’une progression attendue de l’ordre de + 97 % du trafic fluvial sur la Seine d’ici à 2030, en comparaison des chiffres de 2017, et même de + 136 % à horizon 2040. Sur le plan financier, la région Normandie s’est engagée à hauteur de 66 % du montant total de l’investissement (125 millions d’euros), l’Union européenne 20 %, Haropa Port 11 % et l’État 3 %.
Un projet à enjeu national
Le rapport relève que le projet concerne certes l’axe Seine mais « représente un enjeu national, visant à développer le report modal via un mode de transport plus respectueux de l’environnement, notamment pour l’approvisionnement de la région parisienne, et d’améliorer l’offre de transport fluvial conteneurisé ».
La future digue « s’inscrit dans une politique publique plus large, portée par l’Etat et l’Union européenne de développement du transport modal par d’autres moyens que la route, et notamment le fluvial. L’enjeu national est majeur car la massification du trafic permise par le fluvial comparé au routier est un vrai levier pour limiter et abaisser les émissions de CO2 liées au transport de marchandises et limiter l’impact du transport routier. D’autres bénéficies sont amenés par le mode fluvial, tels que la diminution de la nuisance sonore, de la congestion ou encore de l’accidentologie sur les routes, de la pollution atmosphérique, etc ».
La commission d’enquête attentive à l’évaluation des mesures de compensation
La commission pose néanmoins deux réserves :
– D’abord, les mesures ERC, qui visent à éviter, réduire et compenser l’impact du projet sur l’environnement, devront être assorties d’objectifs « opérationnels et mesurables« , ainsi que d’indicateurs « fiables et partagés, permettant de s’assurer de la réalisation effective » de ces mesures.
– Ensuite, un bilan annuel de l’avancement des mesures ERC devra être établi et transmis aux acteurs en charge du suivi du fonctionnement et de la biodiversité de l’estuaire.
Le chantier de la chatière devrait débuter dès cette année, une fois les autorisations de travaux délivrées par l’État, pour une mise en service prévue en 2024.