Tourisme fluvial : « le modèle économique de notre métier n’est plus celui d’avant crise malgré le retour des clients »

Entretien avec Frédéric Avierinos, Président du collège passagers d’E2F.

Comment se porte le tourisme fluvial depuis le redémarrage de la saison ?

Les clients sont de retour y compris sur le segment du tourisme international à l’exception du tourisme chinois.

La clientèle individuelle s’est beaucoup développée, les compagnies ayant fourni un effort considérable pour se passer de la clientèle de groupe ce qui se révèle comme une tactique payante aujourd’hui.

Le niveau de fréquentation de nos bateaux s’établit aujourd’hui en moyenne à 70 % de ce qu’il était en 2019, c’est-à-dire avant crise.

Les niveaux de réservation pour les 2 mois à venir sont bons pour la promenade simple, la promenade restauration et la privatisation.

S’agissant des bateaux de croisière avec hébergement et des péniches hôtels les taux sont satisfaisants et se rapprochent de 2019.

Peut-on aujourd’hui affirmer que le retour à la normale est acquis et que la crise est définitivement derrière nous ?

Nous avons bénéficié de conditions de marché favorables en première période avec une météo clémente, d’un appétit de loisirs dans un contexte de libération des contraintes sanitaires en France et d’un effet report des activités empêchées pendant la crise.

Les efforts commerciaux menés par les compagnies depuis la crise ont accompagné cette dynamique, avec une offre renouvelée.

La sérénité n’est pourtant pas de mise car le contexte géopolitique européen affecte le pouvoir d’achat et est susceptible de modifier les comportements selon un principe de précaution que nous avons bien connu pendant la crise sanitaire.  La perspective d’une nouvelle vague de la Covid raisonne toujours aussi comme une hantise pour chacun d’entre nous.

A signaler pour être complet, l’évolution des conditions de navigation (basses eaux, algues envahissantes dans les canaux) qui fait l’objet d’une attention toute particulière par les exploitants de bateaux avec hébergement.

Je résumerai en disant que nous sommes confiants mais prudents sur nos anticipations de résultats et nous ne crions pas victoire à ce stade de l’année.

Quel est l’état de santé des entreprises dans cette période charnière ?

Les comptes d’exploitation sont très tendus.

Le chiffre d’affaires n’a évidemment rien à voir avec les deux années précédentes.

Mais les charges fixes et variables que nous n’avions plus ; ou moins ; en 2020 et 2021, non seulement reviennent à leur niveau de 2019 mais s’y ajoutent deux surcoûts majeurs : celui du remboursement des Prêts Garantis par l’Etat (PGE) consentis en début de crise sanitaire, et l’inflation de toutes nos charges d’exploitation (carburant, électricité, frais d’entretien, de remise aux normes et de maintenance des bateaux, assurance…).

Il faut également signaler la tension extrême sur le marché de l’emploi car après de très nombreux départs et reconversions de nos salariés pendant la crise, nous manquons de personnel.

Vous le voyez, le modèle économique de notre métier n’est plus celui d’avant crise malgré le retour des clients.

Un mot pour finir ?

Le secteur sort progressivement de la crise, nous savions que cela prendrait du temps. La bonne nouvelle c’est le retour plus rapide qu’anticipé de nos clients et c’est là l’essentiel car c’est pour eux que nous travaillons.

Je suis plus que jamais convaincu que le tourisme fluvial est amené à connaître un développement considérable dans les années à venir car il correspond fondamentalement aux besoins d’évasion, de culture et de nature auxquels nous aspirons tous et de plus en plus.

Rendez-vous en septembre pour célébrer la réussite de la saison !