Canal du Midi: quand l’eau se met à manquer…

Fermé l’hiver à la navigation, le canal du Midi est alimenté par deux barrages et des cours d’eau. L’opération de remise en eau qui a lieu normalement fin février, se termine seulement en cette mi-mars. Un délai allongé cet hiver pour préserver la ressource en eau.

Il y a quelques jours à peine, l’opération de remplissage, qui a duré 3 semaines, s’est achevée.« La remise en eau complète a été différée au 15 mars pour permettre de reconstituer au maximum les réserves d’eau des bassins réservoirs du Lampy et de Saint-Ferréol », explique Voies navigables de France (VNF), gestionnaire du canal. Dans ce contexte de sécheresse, le report du remplissage a été guidé par la volonté d’économiser de l’eau. VNF estime en effet que 400 000 m3 ont ainsi été économisés.

« Habituellement, après la période dite de “chômage”, on ouvre et on prend l’eau des barrages. Là, au lieu d’ouvrir en grand, on a ouvert un petit peu, pour bénéficier du débit naturel minimal des réservoirs », précise-t-on encore à VNF. « On espérait aussi des chutes d’eau… »« Si les rivières sont à sec, on ne pourra pas remplir » En réalité, les réservoirs ne font que compléter l’eau des rivières (l’Aude, la Cesse et l’Hérault) alimentant le canal.

Or après la sécheresse sévère de 2022 (record depuis 1959), 2023 n’a pas encore livré de pluies compensatrices. « Et si demain, le préfet de Région interdit de prélever… »,le canal du Midi ne pourrait être alimenté. Or, au fil de la saison, qui débutera réellement le 29 mars, des apports en eau restent nécessaires : pour couvrir notamment les besoins de l’irrigation agricole (jusqu’à 80% de l’eau du canal au plus fort de l’été). L’évaporation n’entraînerait que 5% de perte. Quant aux volumes d’eau qui transitent lors des passages des écluses :

« Pour les réduire, on mettra en place les groupages des bateaux aux écluses dès le début de la saison », indique VNF. De leur côté, si les agriculteurs installés à proximité du canal du Midi ont déjà annoncé prendre leurs responsabilités à travers un communiqué. La crainte d’un impact économique sur la saison touristique est bel et bien là. Mais
« pas de catastrophe avant l’heure », clame, en substance, Jacques Ribo, le président de l’Union des péniches du canal du Midi (UPCM). Et d’évoquer d’autres mesures possibles pour préserver les volumes d’eau : comme la création « d’aires de demi-tour ». Fraîchement retraité, l’ancien batelier se souvient, lui, de la sécheresse de 1989, au cours de laquelle les professionnels avaient déjà demandé et obtenu deux aires de ce type « pour permettre des itinéraires de façon plus intelligente »… Dans tous les cas, il dénonce un excès de communication négative et veut croire à un retour à la normale.

« Il serait regrettable qu’après deux années de résistance à la pandémie, cette gestion de la sécheresse fragilise à nouveau notre économie régionale », expriment les professionnels de l’UPCM. Il faut savoir que pour naviguer dans le canal du Midi, les bateaux ont besoin d’1,40 mètre d’eau. « Notre objectif, c’est que le multi-usage de l’eau du canal soit satisfait le plus longtemps possible », conclut VNF.

Pour Jacques Ribo : « On est devant un dilemme. La grosse communication sur la sécheresse n’arrange pas les professionnels, cela entraîne des désistements déjà, pour l’automne par exemple. Alors que l’on peut espérer, encore, de la pluie. » « On se rend bien compte de la situation et on a l’intention d’être des gens responsables. Bien sûr, chacun redoute un manque d’eau tel que le canal soit fermé… Mais il est trop tôt pour ce scénario », veulent croire les professionnels. « Nous avons des entreprises et en vivons, cela participe à l’économie touristique de la région et c’est une belle publicité pour nos départements ».