Prix du carburant : les transporteurs fluviaux face à la flambée des prix
Face à la flambée du coût du carburant, E2F a alerté le gouvernement sur les risques économiques qui planent sur les entreprises du secteur fluvial et réclame la mise en place d’une aide directe aux opérateurs. Échanges sur ce sujet brulant avec M. Pascal Rottiers, président du collège artisans chez Entreprises fluviales de France.
Quel est l’impact de la hausse du carburant dans la navigation intérieure ?
P.R : Le prix du carburant pour les transporteurs fluviaux est passé d’un prix moyen sur l’année 2021 de 0,583 € HT par litre de GNR à 1,253 € HT par litre le 11 mars 2022, soit un doublement du prix (x 2,2). Si l’on prend comme référence le prix au 1er janvier 2021 (0,446 € HT/l) les prix ont quasiment triplé (x 2,8).
En outre si l’on compare l’évolution des prix du carburant du transport fluvial à celui du transport routier on constate que le transport fluvial subit un différentiel d’augmentation significatif.
Ce que paient réellement les entreprises :
- Entre janvier 2021 et février 2022, les prix HTVA ont augmenté de 180 % pour les entreprises de transport fluvial et de 68 % pour les entreprises du transport routier, soit un différentiel de 112 points, qui influe sur les conditions de marché et le choix modal des chargeurs.
- En cause l’effet « amortisseur » des taxes sur le carburant que paient les transporteurs routiers (TICPE) et pas les transporteurs fluviaux. De fait la hausse a été beaucoup plus lissée pour les transporteurs routiers.
Avant la crise, la part du carburant dans le coût de revient d’une prestation de transport fluvial était estimée à environ 25 %. Compte tenu de l’évolution du prix du carburant cette part s’établit donc désormais à 48 %, toutes choses égales par ailleurs.
Les entreprises de transport fluvial, particulièrement les plus petites, n’arrivent plus à suivre.
Ces hausses sont-elles répercutées sur les donneurs d’ordre comme c’est la règle ?
P.R : C’est vrai, le code des transports et le contrat type prévoient les conditions de révision des charges de carburant qu’elles soient écrites ou non écrites dans les contrats (articles L 4451-4 à L 4451-6).
L’objet de ces clauses est de neutraliser l’effet de hausse pour maintenir une part gazole constante dans les charges d’exploitation du transporteur.
Sauf exception, tous les contrats de durée comportent des clauses d’indexation.
Mais par définition les contrats spot ou de transport à la demande n’en comportent pas.
Nous touchons aux limites du système dans la situation actuelle.
Quelles sont ces limites que vous mentionnez ?
P.R : Les clauses d’indexation ne permettent pas à elles seules de compenser pour l’entreprise de transport fluvial la totalité de la hausse subie.
Dans les contrats de durée ces clauses sont hétérogènes quant à la part de carburant considérée dans le coût de revient, et quant à la date de référence de l’indice.
Compte tenu de l’évolution très rapide des prix, les calculs avec des bases et des indices de réévaluation calculés sur plusieurs périodes (lissage) ne prennent pas en compte la réalité de l’évolution des prix, et quant elles le prennent en compte c’est avec un grand retard.
Clairement les clauses gazole sont inadaptées à des variations aussi fortes et erratiques que celles que nous vivons en ce moment.
Dans les contrats spot le déséquilibre commercial dans la relation donneur d’ordre/transporteur rend la négociation sur le prix quasi impossible pour les artisans, dans un marché qui tend à se rétracter (cf. diminution des volumes sur la Seine).
Pourquoi l’annonce du Premier ministre d’une réduction des 15 centimes est insuffisante ?
P.R : En valeur absolue cela ramènerait les prix du GNR à 1,1032 € HT par litre, ce qui ne change pas grand-chose à l’équation économique :
- Multiplication du prix par 2,5 au lieu de 2,8.
- Part du carburant dans le coût de revient passe de 48 % à 45 %.
Le transport fluvial demande-t-il des mesures supplémentaires de soutien ?
P.R : A l’instar du transport routier, le transport fluvial demande une aide directe ponctuelle à valoir sur la dette fiscale et sociale de l’entreprise, dont le montant est fonction du type de bateau.
C’est non seulement une question de logique économique comparée entre route et fleuve, d’équité pour conserver sa cohérence à la filière du transport, vitale sur le plan économique et de survie à terme pour nos TPE.