L’association du canal Seine-Nord Europe se défend face à la Cour des comptes européenne

La Cour des Comptes Européenne (CCE) a publié le 16 juin 2020 un rapport spécial sur 8 mégaprojets de transport européen1 cofinancés par l’UE, qui représentent un coût total de 54 milliards €, parmi lesquels figurent la liaison fluviale européenne Seine-Escaut et le canal Seine-Nord Europe.

Si ce rapport souligne quelques bonnes pratiques mises en œuvre, il met en exergue également quelques réserves. Restant fidèle à son objet social, l’association Seine-Nord Europe a souhaité répondre à ces réserves, comme elle l’a toujours fait dans le passé par rapport aux critiques émises sur ce projet actuellement en phase de lancement.

La CCE fait tout d’abord le constat d’un retard généralisé pour ces différents mégaprojets. Elle estime ainsi qu’ « il est peu probable que la connectivité du réseau central de transport atteigne sa plein capacité d’ici à 2030 », mais souligne que la liaison Seine-Escaut fait partie des 4 projets audités qui devraient être achevés avant l’échéance de 2030.

Des bonnes pratiques repérées par la CCE en matière de concertation, de coopération et de pilotage du projet

La CCE souligne plusieurs bonnes pratiques dans le pilotage de la mise en œuvre de la liaison Seine-Escaut et de la réalisation du canal Seine-Nord Europe, telles que l’association des parties prenantes, via notamment la démarche « Grand Chantier » en France, ou la coopération internationale entre services publics de la voie d’eau wallon et français pour l’aménagement de la Lys mitoyenne.

La liaison fluviale Seine-Escaut bénéficie également d’une décision d’exécution de la Commission européenne, qui permet de clarifier le déroulement du projet et « constitue un pas en avant vers une supervision plus étroite de la mise en place des corridors du réseau central par les États membres. »

Un potentiel de trafic remis en cause par la CCE, mais que nous croyons toujours cohérent avec le choc de compétitivité du grand gabarit

Au regard des statistiques concernant le transport de marchandises, la CCE estime que les prévisions de trafic sur le canal Seine-Nord Europe, « quatre fois plus élevé en 2060 par rapport à la situation de référence censée prévaloir en 2030 en l’absence du canal », sont trop optimistes.

Sur ce point, notre association rappelle qu’à l’heure actuelle 4 millions de tonnes de marchandises transitent aujourd’hui par le canal du Nord, avec une part modale fluviale d’environ 3 %. Les prévisions de trafic sont de l’ordre de 20 millions d’ici 2060 grâce à l’ouverture du canal Seine-Nord Europe. Cela ferait passer la part modale de la voie d’eau sur cet axe à 12 %, ce qui correspond au taux observé dans les territoires français desservis par la voie d’eau à grand gabarit. Cette augmentation des trafics ne semble pas optimiste, mais bien correspondre à la réalité logistique observée dans d’autres régions et au choc de compétitivité que constitue le passage au grand gabarit.

Par ailleurs, le rapport de reconfiguration du Député Rémi Pauvros a bien montré que grâce à une politique de transport volontariste et cohérente, ce report modal vers la voie d’eau peut être accentué. Ainsi, la Belgique « est parvenue à doubler la part modale du fluvial entre 2000 et 2010 pour passer de 10% à 18% des marchandises transportées » (cf. rapport de 2013).

La CCE précise d’ailleurs dans ses conclusions que « pour que ces prévisions de trafics se réalisent, des initiatives efficaces doivent être prises en matière de transfert modal ». Elle rejoint sur ce point les recommandations de l’association Seine- Nord Europe qui estime qu’une politique de transport forte et cohérente doit être rapidement mise en œuvre afin de renforcer la compétitivité des modes de transport massifié et bas-carbone comme la voie d’eau. Dans le même esprit, l’association Seine-Nord Europe considère que la mise en place d’une taxe incitative au report modal sur cet axe Nord-Sud, en vue de rembourser l’emprunt de bouclage nécessaire pour le financement de Seine-Nord Europe (de l’ordre de 0,8 milliard €), constituerait une pratique à la fois efficace et vertueuse du point de vue du report modal.

Un coût du projet en forte hausse selon la CCE qui omet à tort sa réactualisation et son nouveau dimensionnement

La CCE souligne que le projet Seine-Nord Europe a aujourd’hui 18 ans de retard et que son coût a augmenté de 199 %. Concernant ce retard accumulé, l’association Seine-Nord Europe souhaite rappeler qu’il n’a jamais été question, même pour elle, que le projet Seine-Nord Europe soit mis en service en 2002. Il n’a d’ailleurs été retenu parmi les projets prioritaires de transport de la France que lors du CIADT de 2003. Sa réalisation a été envisagée en 2009 via un contrat de partenariat finalement abandonné, et a ensuite fait l’objet de deux rapports de reconfiguration en 2013 et 2015.

Pour ce qui est de l’augmentation de son coût, la CCE prend pour base de calcul le pré-chiffrage initial de 1993 (1,2 milliard €). A cette date, le tracé et le gabarit du projet étaient bien différents. Comme le souligne le GEIE Seine-Escaut dans son communiqué relatif à ce rapport de la CCE2 : « Si l’analyse avait pris comme point de comparaison le chiffrage au moment de la déclaration d’utilité publique (2006) sur la base des études d’avant-projet – comme elle l’a fait pour les autres mégaprojets étudiés et comme le recommande dans ses réponses la commission Européenne -, elle aurait montré une évolution des coûts proches de l’inflation et classant Seine-Escaut parmi les projets ayant le mieux maîtrisé leurs coûts. »

En conclusion, l’association Seine-Nord Europe regrette, comme le fait la Cour des Comptes européenne, les retards accumulés par le projet Seine-Nord Europe et a toujours milité pour que le calendrier des travaux soit respecté. L’association rejoint également la CCE sur le besoin d’accélérer la mise en œuvre de ces mégaprojets pour générer l’effet de réseau attendu dans les délais prévus.

Néanmoins, les chiffres utilisés par la Cour des Comptes européenne, pour estimer le retard et le surcoût du projet, ne correspondent ni à la genèse, ni à la réalité actuelle du projet. Et pour ce qui est des potentiels de trafics à l’avenir, l’association Seine-Nord Europe rappelle la nécessité de fond d’une réalisation cohérente de la liaison Seine-Escaut de bout en bout, et d’un accompagnement de celle de son maillon Seine-Nord Europe par une politique nationale cohérente et volontariste de report modal et de soutien au transport fluvial, seule à même de garantir la pleine réussite de ce grand projet.