Un modèle de livraisons par voie fluviale et vélo-cargo expérimenté à Sète
Alors que les métropoles s’interrogent sur de nouveaux modes de mobilité pour désengorger le réseau routier et réduire les émissions polluantes, Sète fait le pari de la livraison en bateau et à vélo-cargo. L’expérimentation, menée par l’agglomération de Sète et le cluster Ten Log va se poursuivre cet automne.
Association créée en 2019 par des chefs d’entreprise, le cluster Ten Log vise à fédérer le plus grand nombre d’acteurs dont l’activité ou les compétences participent à la performance de la logistique en Occitanie. Le cluster, qui compte actuellement une centaine de membres, travaille principalement sur quatre pôles : report modal (routes vers rail, fleuve et mer), logistique urbaine, transition écologique, innovation et transition énergétique du futur (station au gaz, hydrogène).
Le test mené à Sète par le cluster Ten Log et l’agglomération poursuit un objectif clair : désengorger un centre-ville embouteillé et réduire les émissions de gaz à effet de serre.
« Dans le cadre du programme Innovation Territoriales et Logistique Urbaine Durable (InterLUD, ndlr), dont nous sommes référents, nous travaillons depuis trois ans avec l’agglomération de Sète pour mettre en place un plan de circulation des marchandises de la ville », résume François Trouquet, chargé de mission au sein du cluster Ten Log. « Avec ses ponts neutralisant le trafic routier plusieurs fois par jour, le centre-ville de Sète est souvent congestionné, surtout pendant la période estivale. La nouvelle charte de logistique urbaine, qui vient d’être signée, vise entre autres à renouer avec l’utilisation des canaux historiques de la ville pour le transport de marchandises. »
De Frontignan à la criée de Sète
Pour évaluer la faisabilité du projet, un POC (proof of concept) a été mené le 5 juin dernier. Le transporteur fluvial M. Jean-Marc Samuel a mis à disposition son bateau, amarrée au bord du canal de Frontignan et équipée d’une grue de déchargement. Deux livreurs ont chargé à son bord de l’alimentaire et des médicaments et ont embarqué trois vélos-cargos fournis par l’entreprise montpelliéraine SVE (Service Écusson Vert). Le bateau a traversé la baie de Sète jusqu’à la criée. Une fois les marchandises débarquées, les livreurs ont fait trois tournées à vélo pour une vingtaine de clients.
« Le cycle complet a pris deux heures, soit à peu près le même temps qu’un livreur routier pour entrer et ressortir du centre-ville », constate François Trouquet. « D’un point de vue écologique, une analyse est en cours avec le programme Objectif CO2 qui déterminera le gain réel en terme d’émissions de CO2. »
Un surcoût de 15 à 20 %
Suite à ce POC, une nouvelle expérimentation va être menée à plus grande échelle sur deux à trois semaines dès l’automne prochain. Des études sont en cours pour évaluer l’investissement du projet qui nécessiterait de construire un entrepôt logistique à Frontignan ainsi qu’un local pour stocker les vélos-cargos.
La logistique du dernier kilomètre implique également des surcoûts, chaque livraison nécessitant au moins un conducteur et deux livreurs. Pour arriver à un autofinancement, plusieurs pistes sont étudiées.
« Nous avons réussi à cartographier les flux de marchandises circulant sur Sète, il s’agit majoritairement d’alimentaire, de matériaux et d’e-commerce », indique le chargé de mission. « L’idée est donc de s’associer avec des commerçants pour augmenter les volumes. La partie rentabilité n’est pas simple et nous sommes conscients qu’il va falloir trouver des acteurs privés et institutionnels pour nous aider. On sait très bien qu’en matière de logistique urbaine, la livraison fluviale génère un surcoût de 15 à 20 % par rapport à une livraison routière, il faut donc que le client final y trouve son compte. Mais écologie, réduction des émissions de CO2 ou encore accidentologie sont autant de paramètres qui doivent aussi entrer dans le calcul de rentabilité. »
La question du Canal du Midi
Pas question non plus que le bateau reparte à vide vers Frontignan. Là encore, des pistes sont étudiées comme la gestion des déchets du port, des poubelles ou des cartons.
Si les questions restent encore nombreuses, les acteurs privés et publics semblent se mobiliser, à l’instar de Voies navigables de France, de l’Ademe ou encore du Cerema.
« Il y a un fort enthousiasme autour de ce projet », note François Trouquet. « D’autant que des extensions sont possibles : on peut très bien imaginer des liaisons de marchandises plus fréquentes entre Toulouse et Sète. Le Canal du Midi est aujourd’hui utilisé simplement pour la navigation de passagers mais des bateaux le fréquentent pour le désensabler. »
Un retour aux sources pour la petite Venise qui, si l’expérimentation s’avère concluante, pourrait retrouver ainsi une utilisation pérenne de ses canaux.