Prix bas dans le transport fluvial : la Profession obtient des pouvoirs publics le remaniement de la loi pour la rendre enfin applicable

E2F avait appelé l’attention du Ministère des transports au 1er semestre 2021 sur la situation des bateliers qui opèrent notamment sur le réseau à petit gabarit et sur les trafics d’import-export dans les Hauts de France et l’Est.

Le malaise préexistant grandissait, accentué depuis le début de la pandémie.

Les particularités de ce marché ont fait que le rapport de force commercial était devenu extrêmement défavorable aux transporteurs, s’illustrant par des conditions économiques et d’exercice de moins en moins respectueuses des lois et règlements en vigueur.

Les transporteurs n’ont parfois pas eu d’autres choix que de se plier aux propositions tarifaires à la baisse des clients au risque d’être exclus de tout marché si les conditions proposées étaient refusées par ces derniers (prix du fret et prestations annexes dont temps d’attente).

Une spirale baissière parfois alimentée par les transporteurs fluviaux eux-mêmes : transports au mépris des règles de l’ACP, cabotage illicite…

Pour E2F cette évolution du transport fluvial sur le petit gabarit international, s’il n’y est pas mis fin, aura de très lourdes conséquences sur la pérennité des bateliers, voués à péricliter si leurs conditions contractuelles et de rémunération ne s’améliorent pas.

Tout en étant parfaitement consciente de la grande difficulté à pouvoir réguler le marché tout comme de la difficulté à objectiver l’ensemble des problèmes et pratiques ainsi décrites, la Fédération a proposé plusieurs pistes d’actions :

  • Rappel du cadre légal : conditions économiques et d’exécution des transports fluviaux et règles d’affrétement ;
  • Accentuation des contrôles sur les prix bas, les règles de cabotage, l’ACP ;
  • Observation du marché ;
  • Propositions d’aménagement des textes.

E2F songeait également à l’élaboration d’un Guide de bonnes pratiques d’affrétement co-signé par les différents partenaires.

Un message parfaitement reçu par le Ministère des transports qui, profitant de l’opportunité d’un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances, a révisé conformément aux demandes d’E2F les dispositions permettant de sanctionner la pratique de prix abusivement bas dans le transport fluvial.

La loi du 8 octobre 2021 (art. 20) actualise ainsi la rédaction de l’article L. 4463-2 du code des transports qui pose le principe de l’interdiction de la conclusion de contrats à un prix inférieur au coût de la prestation de services dans le domaine du transport fluvial de marchandises.

Il s’avère que la rédaction jusque-là en vigueur de cet article n’était à la fois pas conforme à l’article 2 de la directive 96/75/CE du 19 novembre 1996 (concernant les modalités d’affrètement et de formation des prix dans le domaine des transports nationaux et internationaux de marchandises par voie navigable dans la Communauté), ni applicable compte-tenu des éléments de preuve à rapporter.

Désormais, cet article L. 4463-2, dans sa nouvelle rédaction, prévoit que ces prix ne doivent pas constituer, conformément aux règles communautaires en matière de droit de la concurrence, des prix bas susceptibles de constituer un abus de position dominante telle qu’elle est définie à l’article L. 420-2 du code du commerce, en conformité avec le droit de l’Union européenne, sous peine de l’application des sanctions prévues à l’article L. 464-2 du même code.

Qui est sanctionnable ? Tout prestataire de transport public fluvial de marchandises, tout auxiliaire de transport ou tout loueur de bateaux de marchandises avec équipage qui offre ou pratique un prix bas, leur chargeur.  

L’Autorité de la concurrence peut en vertu de ces dispositions ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou leur imposer toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale proportionnée à l’infraction commise et nécessaire pour faire cesser effectivement l’infraction. Elle peut aussi accepter des engagements, d’une durée déterminée ou indéterminée, proposés par les entreprises ou associations d’entreprises et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées.

Elle peut aussi sanctionner d’un montant maximum de 10 % du montant du chiffre d’affaires, un montant bien plus dissuasif que par le passé. 

L’attention des services de contrôle a par ailleurs été appelée par la Tutelle sur cette épineuse question.


Sous-section 1 : Dispositions relatives au contrat de transport (Articles L4463-2 à L4463-3) – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

Saisir l’Autorité de la concurrence (signaler une pratique anticoncurrentielle)