Qu’attendre de la logistique urbaine fluviale en 2022 ?

En fin d’année dernière, le webinaire Interlud « Logistique urbaine fluviale » réunissait plus de 180 participants autour de présentations et de témoignages divers (acteurs institutionnels, collectivités, opérateurs, chargeurs, etc.). Un engouement inédit, qui illustre les attentes et aspirations récentes en faveur du transport fluvial, notamment vis-à-vis de la capacité de ce mode à pouvoir pénétrer au cœur des grandes agglomérations mouillées.

Le sujet n’est pour autant pas nouveau. Entre 2010 et 2013, Interface Transport avait participé au projet de recherche ANR-FLUIDE, piloté par l’université Gustave Eiffel. Sous la forme d’une étude pluridisciplinaire comparative (Paris, Strasbourg, Lyon, Lille), les partenaires publics et privés mobilisés par cet ambitieux programme avaient étudié les questions d’insertion des ports fluviaux dans leur aire urbaine, l’organisation des chaînes de transport incluant un maillon fluvial, ou encore, les potentialités de flux et leviers permettant de consolider des trafics sur la voie d’eau. De réelles synergies avaient ainsi pu émerger entre les parties prenantes de ces différents territoires.

10 ans plus tard, si le transport fluvial apparait toujours comme une alternative d’intérêt pour certains flux et en complémentarité des autres modes, l’enjeu consiste sans doute davantage, pour les pouvoirs publics, à anticiper l’étude, au cas par cas, des possibilités de report modal.

Plusieurs avancées et concrétisations méritent en ce sens d’être mises en lumière. Notons en particulier le cas des chantiers urbains, des déchets et de la distribution du dernier kilomètre.

Les chantiers urbains

C’est sans doute le cas le plus emblématique. Les grands projets franciliens du Grand Paris Express (et ceux à venir des Jeux Olympiques 2024) ont ancré la logistique fluviale comme la solution à privilégier pour des approvisionnements de matériaux ou de colis lourds et pour l’évacuation des déblais de chantiers.

Les autres métropoles ne sont pas non plus en reste, en témoigne la démolition de l’ancien parking du quai Saint-Antoine de la métropole lyonnaise fin 2021, avec un recours à la voie d’eau pour réaliser l’évacuation de 15 000 tonnes de déblais.

La plupart des collectivités étudient ainsi de plus en plus, et de manière quasi-systématique, les opportunités de recours aux modes massifiés. Elles intègrent en outre désormais des incitations ou impositions dans leurs cahiers des charges pour les chantiers de travaux publics ou de bâtiments.

Les déchets

Il s’agit d’un flux d’intérêt où le transport fluvial dispose de solutions éprouvées. On peut citer le cas du Syctom en Ile-de-France (agence métropolitaine des déchets ménagers) qui depuis 1995 transporte notamment ses mâchefers par voie fluviale, mais également de la métropole de Lille, qui organise depuis 2006 le transit des ordures ménagères entre ses deux sites de traitement distants de 40 km. En 2021, la métropole de Lyon est aussi parvenue à mettre en œuvre un transport fluvial de 35 000 tonnes annuelles de mâchefers entre l’UTVE de Lyon et la plateforme de maturation du site de Givors / Loire-sur-Rhône, preuve que des possibilités de concrétisation peuvent encore émerger au fil du temps et des opportunités (foncières, contractuelles).

La distribution du dernier kilomètre

Les réflexions en la matière consistent à prendre appui sur le transport fluvial pour accéder au cœur des zones urbaines denses avant de recourir ensuite à des modes doux (cyclo-logistique) ou véhicules faiblement émissifs pour livrer les destinataires finaux. Il est ici question de transport de produits alimentaires, boissons, messagerie et express : autant de filières optimisées et concurrentielles où l’intervention de la logistique fluviale peut sembler assez illusoire de prime abord. De telles perspectives sont toutefois rendues concrètes par l’avènement de solutions logistiques innovantes (bateaux auto-déchargeants, caissons de manutention spécifiques, etc.) mais également par les contraintes rencontrées en matière d’accessibilité routière dans les agglomérations et centres urbains, amenées à se renforcer prochainement avec la généralisation des zones à faibles émissions (ZFE). Dans ce contexte, plusieurs métropoles ont pris le parti de l’anticipation, en favorisant l’émergence de nouvelles solutions par les acteurs privés, sur leur territoire, au travers d’Appels à projets (AAP) ou d’Appels à manifestation d’intérêt (AMI) dédiés à la logistique fluviale. C’est le cas de Strasbourg (AAP, 2020), de Lyon (AAP, 2021) et de Toulouse (AMI, 2021). D’autres AAP sont mêmes envisagés en 2022.

Quelles orientations des futurs AAP « Logistique urbaine fluviale » ?

Les exemples récents d’appels à projets sont parfaitement représentatifs d’une nouvelle dynamique fluviale à l’œuvre dans les territoires urbains. Celle-ci suppose un travail collaboratif préalable à mener avec Voies Navigables de France, à l’origine de l’établissement des différents cahiers des charges déjà publiés. On y retrouve dans ces derniers un schéma organisationnel préférentiel articulant l’identification d’un ou plusieurs quais en centre-ville compatibles avec la réalisation d’activités logistiques, ainsi que l’identification d’un foncier bord à voie à même d’assurer la fonction de base arrière logistique pour la massification des flux en périphérie (généralement à moins de 5 km du centre-ville à desservir). Sont ciblées ensuite les activités de « logistique urbaine, messagerie, colis », de « grande distribution », de « gestion des déchets », mais sans « limitation exclusive » à ces secteurs. Un travail peut également être réalisé auprès de chargeurs ou d’exploitants potentiels pour tester l’intérêt de ces derniers et mieux cibler leurs besoins.

Dans tous les cas, la performance du mode fluvial (organisationnelle, économique, environnementale) par rapport à la route va s’établir selon une série de paramètres clés, en particulier :

  • L’enjeu des volumes traités et des clients utilisateurs du service, qui vont conforter la rentabilité du modèle et la performance du coût à la tonne transportée
  • La gestion des ruptures de charge, en limitant au maximum les opérations de brouettage entre les quais et les emprises logistiques

D’autres enjeux peuvent également être énumérés quant à la pertinence de ces schémas logistiques, comme la mise en œuvre d’un cadre réglementaire en faveur d’une logistique urbaine plus respectueuse de l’environnement et de l’espace public, permettant ainsi de conforter des modèles économiques dont la pérennité reste à confirmer.

Finalement, l’année 2022 devrait permettre d’intensifier toutes ces réflexions et de voir émerger d’autres Appels à projet sur le territoire national, à condition bien-sûr d’identifier les emprises foncières indispensables au fonctionnement du modèle. Cette nouvelle année permettra également de disposer des premiers retours d’expériences des projets lancés en 2021 ou d’autres expérimentations issues du dispositif PARM de VNF. Enfin, la transition énergétique des unités fluviales, largement abordée ces derniers mois au sein de la profession, continuera à n’en pas douter d’être un sujet majeur …

Vous pouvez visionner le replay de ce webinaire en cliquant ici.

Source : Interface Transport